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L’importance des soins engagés

Psychologues et thérapeutes féministes, nous proposons des soins engagés en faveur des droits des femmes et des enfants. Spécialisées dans le soin des psychotraumatismes, nous intervenons auprès de victimes de violences psychologiques, physiques et sexuelles.

Assumant un décalage avec la majorité des psychothérapies actuelles, nous sommes convaincues de la nécessité d’adopter une vision globale et sociologique des violences. Nous nous inscrivons résolument à contre-courant de la tendance à l’individualisation et replaçons chaque personne et son vécu dans son contexte sociétal.

Nous proposons une thérapie holistique, prenant en charge chaque personne dans sa globalité, en articulant les émotions, les pensées et les sensations. Nous sommes notre corps, et refusons de considérer d’un côté les manifestations physiques et, de l’autre, lesdites psychologiques.

Bertha Pappenheim (1859-1936)

Plus connue sous le pseudonyme d’Anna O., Bertha Pappenheim était une héroïne, travailleuse sociale et militante féministe, victime emblématique de la psychanalyse dont elle est considérée comme la première patiente.

Pour ses engagements et ses combats, pour sa juste colère, pour sa survie à des violences dans l’enfance et à la psychanalyse, nous avons tenu à rendre Femmage* à Bertha Pappenheim en nommant notre Centre d’après elle.

Un diagnostic d’hystérie

Née à Vienne le 27 Février 1859, Bertha Pappenheim grandit au sein d’une famille de la bourgeoisie juive. Lorsque son père tombe malade d’une pleurésie, Bertha devient son aidante principale. Elle commence alors, en 1880, à développer des symptômes qui amèneront Josef Breuer, médecin, à lui diagnostiquer une hystérie. Il s’agit d’un diagnostic éminemment sexiste en ce qu’il frappe de manière disproportionnée les femmes et réduit nos troubles à un problème de « nature féminine » (« hystérie » étant issu du mot grec signifiant « utérus », l’étymologie du terme revenant à pathologiser notre corps, à le traiter comme défectueux par essence). Ce diagnostic a pour effet d’en escamoter les causes réelles, à savoir les violences et, plus largement, l’oppression des femmes.

Ainsi, Breuer puis Sigmund Freud, instrumentalisant le cas d’Anna O. pour étayer leurs théories sur l’hystérie, considèrent les douleurs de Bertha Pappenheim comme imaginaires. En opposition, nous y voyons les manifestations psychotraumatiques consécutives à des violences subies. Lorsqu’ils écrivent « hallucinations », nous comprenons reviviscences ; lorsqu’ils constatent « contractures et anesthésies diverses, névralgie faciale, aphasie », nous comprenons atteintes du système nerveux autonome et des tissus conjonctifs ; lorsqu’ils scandent « dédoublement de la personnalité, états seconds, refus de se nourrir », nous comprenons dissociation post-traumatique et conduite de contrôle par anorexie mentale ; lorsqu’ils diagnostiquent « un comportement capricieux et une explosion de colère amenant à frapper violemment Breuer », nous comprenons mécanismes de légitime défense contre l’agresseur.

Le fait que l’état de Bertha Pappenheim s’aggrave violemment à la mort de son père évoque pour nous une probable explosion de la mémoire traumatique. Il est en effet commun que l’amnésie soit levée d’un coup lorsque la victime se sent enfin en sécurité, par exemple à la disparition d’un père violent et incestueur. Breuer et Freud ne retiennent de cet épisode que les torts de la mère de Bertha, Recha Goldschmit. Cette dernière avait en effet dissimulé pendant un temps à Bertha la mort de son géniteur, dans une tentative de la préserver. Dans la plus pure tradition maternophobe, la logique psychanalytique conclut alors que l’aggravation des symptômes de la fille aussi imaginaires soient-ils sont de la faute de sa mère.

La thérapie par la parole

Lors de sa thérapie avec Breuer, Bertha Pappenheim lui explique se sentir mieux lorsqu’elle prend le temps de raconter des épisodes difficiles de son passé. C’est là le début de la talking cure (thérapie par la parole) de Freud la fraude. Sachant que cette technique thérapeutique (l’élaboration de liens conscients entre des souvenirs douloureux voire traumatiques et des difficultés présentes à travers le récit) est la seule chose que nous souhaitons conserver de la psychanalyse, il ne nous paraît pas étonnant que cette idée provienne d’une femme. Nous y voyons même une variante de l’effet Matilda.

Survivre à l’hôpital psychiatrique

Après d’incessants allers-retours en clinique et en hospice ainsi que d’innombrables séances au cours desquelles elle a été mise sous camisole chimique et rendue dépendante au chloral et à la morphine, Breuer finit par se rendre à l’évidence : l’état de Bertha Pappenheim ne s’améliore pas, voire se dégrade.

Non content d’abandonner le suivi de sa patiente en décrétant sentencieusement que seule la mort pourra la délivrer de ses souffrances, Breuer s’allie à Freud pour falsifier le cas de celle qui devient alors « Anna O. » et prétendre à une guérison quasi-miraculeuse. C’est sur la base de cette mystification et de bien d’autres que la psychanalyse est alors consacrée comme la voie thérapeutique royale, faisant tomber dans l’oubli pendant de nombreuses décennies leur rival Pierre Janet, qui était pourtant en train de poser à la même époque les jalons de la psychotraumatologie contemporaine.

Si le diagnostic d’hystérie est passé de mode, d’autres fondés sur les mêmes principes d’escamotage du traumatisme à l’origine des symptômes et dont les femmes seraient atteintes de manière disproportionnée lui ont succédé, tels que le « trouble de la personnalité borderline » ou la « personnalité histrionique ». Nous considérons ces diagnostics et les outils thérapeutiques associés comme iatrogènes, c’est-à-dire qu’ils contribuent à aggraver les symptômes initiaux, comme ce fut le cas pour Bertha Pappenheim. C’est pourquoi nous adoptons une démarche thérapeutique résolument féministe et radicale, qui ose nommer la racine du problème : les agresseurs et le système social qu’ils ont érigé à leur image et à leur service.

Féminisme

L’année 1898 marque un tournant dans la vie de Bertha Pappenheim qui, mieux entourée et disposant de plus de ressources, s’appuie sur la créativité artistique et le militantisme féministe pour reprendre le contrôle sur sa vie. Encouragée par sa cousine, Anna Ettlinger, elle commence par écrire et publier deux recueils de contes, Petites histoires pour enfants et Dans la boutique du brocanteur (sous pseudonyme masculin). Parallèlement à sa writing cure (thérapie par l’écriture), elle s’implique dans les œuvres sociales juives de Francfort (soupes populaires pour immigrant·es, fondation d’un orphelinat pour filles…). En 1899, elle traduit la Défense des droits des femmes de Mary Woolstonecraft, texte fondateur du féminisme britannique. Elle publie également une pièce de théâtre, Droits des femmes, critiquant l’exploitation sexuelle et économique des femmes. Lutte contre la précarité, fondation d’un centre d’accueil pour femmes, campagne contre le système prostitueur au sein des communautés juives, fondation de l’Union des Femmes Juives visant à encourager l’autonomie financière des femmes, création d’une maison pour filles-mères et enfants illégitimes, Bertha Pappenheim est inarrêtable.

Elle décède de maladie en 1936, juste après avoir été convoquée par la Gestapo pour répondre de propos anti-hitlériens.

Une Résistante jusqu’au dernier souffle.

*Le mot « Femmage », destiné à rendre aux femmes la place que leur refuse irréductiblement le terme « hommage », nous provient de l’autrice Typhaine D, artiste engagée pour les droits des femmes, des enfant·es et des animaux.

Bourgeon, D. (2008). Anna O. : de la cure psychanalytique au don de soi. Revue du MAUSS, 31, 353-364.

Borch-Jacobsen, M. (2011). Les patients de Freud. Auxerres : Editions Sciences Humaines.

Meyer, C. (dir.) (2005). Le Livre noir de la psychanalyse. Paris : Les Arènes.